Peut-on envisager l’irrigation dans les cultures fourragères?
Par Marcel Frégeau, directeur agronomique et opérationnel chez Station
Les découvertes réalisées ces cinquante dernières années en gestion de l’eau permettent aujourd’hui d’intégrer des techniques de pointe en irrigation pour tous les types de cultures.
Pour nourrir les 16 200 000 Sénégalais de façon constante sans avoir recours à l’importation, le Sénégal n’a d’autres alternatives que de passer à l’action en investissant massivement dans des méthodes modernes de pratiques agricoles. Avec le climat que l’on y connaît, l’irrigation doit être considérée comme prioritaire dans la grande majorité des programmes de cultures afin de sécuriser l’approvisionnement de ce bien essentiel, la nourriture.
Si des efforts remarquables sont déployés, en autres, par l’utilisation croissante des systèmes gouttes-à-gouttes dans les cultures légumières, force est de constater que cela demeure nettement insuffisant. Pour ce qui est des systèmes d’irrigation de type pivot pour de grandes superficies, ils sont très majoritairement utilisés sur des grandes exploitations horticoles exploitées par des sociétés étrangères, et dont les récoltes sont destinées à l’exportation. Il y a aussi l’aménagement, à moyenne et grande échelle, de casiers pour l’irrigation par gravité, mais les résultats demeurent aléatoires : propagation de maladies et d’insectes, compaction des sols, lessivage, variations de volume d’eau, maturité inégale, etc. Autant de facteurs négatifs qui ont contribués à innover.
Les innovations des 40 dernières années dans la maîtrise de l’eau permettent aujourd’hui à des pays comme le Sénégal d’effectuer des pas de géants en agriculture. L’irrigation des cultures fourragères pour l’alimentation du bétail est dorénavant accessible et permettra au Sénégal de créer de solides assises pour son agriculture compte tenu du rôle majeur que joue l’élevage, tant pour la viande que pour le lait, partout au pays.
Grâce à l’irrigation contrôlée, l’augmentation des volumes de fourrage récolté par hectare sera exponantielle tout en maintenant une grande qualité tout au long de l’année. Avec un tel climat, comparable à celui des états du Texas ou de l’Arizona aux États-Unis, il sera donc possible de produire sur douze mois par année avec un rendement à l’hectare variant de 15 à 24 tm pour la luzerne, plante reine dans l’alimentation des vaches laitières, idéale dans les mélanges fourragers pour les animaux d’embouche.
On peut imaginer l’impact d’une telle pratique à l’échelle nationale : 50 000 hectares ainsi cultivés, à raison de 15 tm/hectare, fourniraient quelques 750 000 tonnes de matière sèche annuellement. De quoi bien nourrir près de 350 000 têtes de bétail qui, ainsi alimentées, produiront davantage de viande que 1 000 000 de bêtes en perpétuelle transhumance.
Il va de soi que cela implique des investissements importants, initiallement par l’État, mais qui se rentabiliseront rapidement compte tenu des rendements très élevés qui en découleront. Il importe toutefois de bien cibler les cultures qui ont une valeur élevée, telle la luzerne qui fournit plus de 20% de protéine.